La face cachée de Montjuic
Il a fallu suer, mais ça valait la peine.
J'ai six ans et je découvre le plaisir de me déplacer à vélo. Vingt-cinq ans plus tard, je redécouvre le fil à couper le beurre : j'y pousse, sur ces foutues pédales, et il avance, ce sacré vélo. C'est une vieille croûte, mais j'ai investi dans des freins flambant neufs qui me donnent un confort tout nouveau : celui de pouvoir m'arrêter !
Hier donc, rebelotte avec la coline de Montjuic. Je croyais être monté tout en haut la dernière fois, mais non ! Le plus beau était encore à venir. C'est un endroit précieux que celui-là dans Barcelone, au moins pour une raison : on ne peut pas y accéder sans effort. A pied, il faut marcher un bon moment. En voiture on pourrait sans doute s'en approcher, mais il resterait de toute façon de la marche, et il faut grimper.
Le touriste moyen, à Barcelone, vient pour le trio plage-soleil-bière et tapas. Et pour les gonzesses aussi, et la fête jusqu'au petit matin. Les plus âgés viennent voir Gaudi et les vieilles ruelles pleines de charme. Montjuic aussi, mais le bas : la fontaine colorée qui danse en musique, c'est suffisant. Pour le reste, faut grimper, c'est usant, et on n'est pas venu en vacances pour s'user, hein !
Du coup, en haut, c'est extra. Deux ou trois perdus se promènent, quelques-uns courent, d'autres tirent à l'arc, le tout dans un très joli cadre médiéval. Car en haut, c'est les remparts, avec vue sur la méditerrannée. C'est calme, rempli de pins qui sentent bon le bord de mer.
Le seul hic, c'est le port, là, juste à nos pieds. Même s'il est impressionnant à regarder avec ses énormes bateaux qui viennent se charger de containers, il n'en est pas moins moche ! Et puis, au fond, ce nouvel hôtel de luxe nous rappelle que ce qui compte en premier, ici comme ailleurs, c'est le business.
J'ai sué, et c'était bon. La vie en ville est trop propre pour les pantalons, et pas assez pour les poumons.
J'étais en nage arrivé là-haut, mais pas à bout de souffle. J'étais bien, en paix. Il y a des moments comme ça où tout semble être à sa juste place. J'ai profité du calme, et puis je me suis laissé glissé le long de la pente, jusqu'en bas, jusqu'à la maison, avec comme compagnons le vent dans les cheveux, l'air frais sur le visage et le cliquetis tranquille du pédalier.
Moi je dis que les touristes ont bien raison de ne pas y monter, sur la coline de Montjuic.